Pouvez-vous nous présenter Association Microphtalmie France ?

Reconnue d’intérêt général et agréée par le Ministère de la Santé, Association Microphtalmie France accompagne les personnes atteintes de microphtalmie, une malformation qui se manifeste par un oeil plus petit que la normale. Et dans son degré le plus sévère, le globe oculaire est absent. On parle alors d’anophtalmie. Ce sont des malformations rares mais très sévères et incurables de l’oeil. Elles touchent environ 1 naissance sur 10 000 dans le cas de la microphtalmie et 1 sur 100 000  pour l’anophtalmie. En dehors des ophtalmologues pédiatriques spécialisés dans les pathologies graves, la plupart des médecins ne connaissent pas cette maladie. Or, faute d’une prise en charge adaptée, une asymétrie de l’oeil risque d’entraîner une asymétrie du visage de l’enfant. Le temps est donc compté. Or les délais pour obtenir un rendez-vous d’ophtalmologie et démarrer une prise en charge adaptée sont longs. Et les spécialistes peu nombreux. 

Dans quelles circonstances votre association a-t-elle vu le jour ?

Ma fille est atteinte d’anophtalmie. Mais à l’époque, en 2011, c’était le désert. Pas de sites web, pas d’associations, pas de communauté… Alors que l’oeil joue un rôle majeur, aussi bien socialement que dans sa fonction visuelle, mon mari et moi nous heurtions quotidiennement à l’étonnement, voire à l’incompréhension des professionnels de santé. Nous manquions aussi cruellement d’informations sur la façon d’accompagner notre enfant et de lui prodiguer des soins adaptés. Avec d’autres parents que j’avais connus sur un forum de familles, de bébés et de jeunes adultes concernés par la microphtalmie, nous nous sommes alors regroupés. Et puisque rien n’existait, nous avons décidé de créer une structure. Association Microphtalmie France était née. D’un peu plus de 75 familles contactées la première année, nous sommes passés à 500 aujourd’hui. 

Quel rôle joue-t-elle ?

Association Microphtalmie France accompagne les enfants atteints de microphtalmie ainsi que leurs parents. On constate malheureusement une grande solitude des familles. Chacun « reste dans son coin », ce qui ne fait avancer ni l’état des connaissances ni les bonnes pratiques. Suite au diagnostic de leur enfant, les parents font face à de nombreuses difficultés : que faire ? Qui contacter ?  Quel avenir pour mon enfant ? C’est pourquoi il est essentiel d’accompagner les familles et d’être présents à leurs côtés. Non seulement au moment du diagnostic mais aussi tout au long de la prise en charge de la maladie. Nous les orientons dans le système de santé, nous les conseillons sur la prise en charge, nous leur facilitons certaines démarches administratives, par exemple en les aidant face à d’éventuels refus de prise en charge (soins, frais de transport ou d’hébergement). Les associations sont souvent un intermédiaire indispensable pour alerter sur les éventuelles anomalies que rencontrent les patients et leurs familles. Via les réseaux sociaux et nos espaces de discussion en ligne, nous facilitons également les échanges entre les familles d’enfants atteints de microphtalmie et les aidons ainsi à rompre leur isolement. 

Pensez-vous que les maladies rares souffrent d’un défaut de visibilité ?

Tout à fait. Une autre des missions de l’association consiste d’ailleurs à tout mettre en oeuvre pour faire connaître la microphtalmie. Il est indispensable de diffuser l’information auprès du grand public et des professionnels mais aussi de partager les retours d’expérience des parents/patients. Dans le cadre de cette démarche informative, nous avons récemment édité le Guide du Petit Oeil. Il s’agit d’un support d’accompagnement qui permet de rassurer les enfants en leur expliquant simplement la malformation dont ils sont atteints et les soins qu’on leur donne. Car même si c’est pour son bien, certains soins impliquent de devoir faire vivre des choses pas évidentes à son enfant… Il est donc essentiel de l’aider à grandir sereinement, à s’épanouir et à s’accepter. Enfin, nous nous efforçons d’améliorer les prises en charge des patients en représentant les malades souffrant de microphtalmie au sein des filières de santé mais aussi en soutenant, voire en initiant différents projets de recherche (sociologie, psychologie de l’enfant, etc.). En effet, la grande diversité des microphtalmies fait que le parcours de soins est très complexe et quasi spécifique à chaque patient. À cela vient s’ajouter l’absence d’études mesurant l’efficacité des soins et des accompagnements mis en place, tant sur le plan esthétique que psychologique ou évaluant l’impact de la maladie sur sur la qualité de vie de l’enfant mais aussi sur sa famille.

Un mot sur l’action des filières de santé des maladies rares ?

La mise en place de ces filières qui réunissent associations de malades, chercheurs, centres experts classés par grands secteurs, laboratoires, professionnels de santé et du secteur médico-social, a permis de faciliter le parcours de santé des patients, de diffuser les bonnes pratiques et d’encourager la recherche en faveur de nos pathologies. Leur rôle est essentiel. Il est difficile de se battre seule. Grâce aux filières, je rencontre des médecins qui s’impliquent à 100 % et qui ont envie de faire avancer les choses. Comme moi. Et c’est très motivant !

Les associations de malades sont un acteur incontournable du monde des maladies rares. Comment les aider à aller encore plus loin ?

Tout d’abord, en reconnaissant que l’action des associations ne sert pas la cause de « quelques patients » seulement. Comme le rappelle Alliance Malades Rares, si les maladies sont rares, les patients, eux, sont nombreux. L’expertise qu’ont développée les associations gagnerait également à être davantage prise en compte. Sur certaines pathologies, elle peut parfois aller au-delà des connaissances des professionnels de santé. Dans notre association, par exemple, nous avons une vision claire des problèmes rencontrés par les patients les plus fragiles et des lacunes à combler dans le système de santé. Parce qu’ils vivent quotidiennement la pathologie, l’expertise des patients eux-mêmes mais aussi celle de leurs proches constituent donc un réel savoir à valoriser, à partager et sur lequel il est utile de s’appuyer. Il est d’ailleurs intéressant de constater qu’en Grande-Bretagne, une large place est accordée aux « patients-experts ». Ce sont des patients qui rendent visite à d’autres patients afin de leur faire profiter de leur vécu et de leur expérience. Enfin, il est urgent que les personnes souffrant de microphtalmie soient mieux reconnues administrativement. Dès la naissance du bébé, sa famille puis le patient lui-même doivent se battre au quotidien pour être soignés, entendus dans leurs besoins et accompagnés dans leurs difficultés psychologiques. Sans oublier que dans de nombreux cas, la maladie oblige à réduire, voire à cesser son activité professionnelle afin de pouvoir veiller sur son enfant et se rendre à des rendez-vous médicaux parfois très éloignés du domicile. Or il peut parfois s’avérer difficile d’obtenir des aides financières. Les malades et leurs familles n’ont vraiment pas besoin qu’on leur rajoute des obstacles d’ordre administratif…