La méthanisation est une technique innovante de production d’énergie renouvelable ayant recours à la décomposition de la biomasse en milieu anaérobie (absence de dioxygène) pour former du gaz. En France, cette filière est en à ses balbutiements avec seulement 700 unités de méthanisation réparties sur l’ensemble du territoire. La situation est en train d’évoluer favorablement notamment depuis la mise en place par l'État du Plan Énergie Autonomie Azote (EMAA) en 2013 et l’appel à projets lancé par le Ministère de l’Environnement en 2014 pour la promotion de la méthanisation dans les régions rurales. Ces incitations des pouvoirs publics ont poussé la Communauté d’Agglomération Maubeuge-Val de Sambre (CAMVS) à réaliser une étude d’opportunités sur le potentiel du territoire dans le développement d’une unité de méthanisation. Suite à une réunion d’informations en 2016 conviant les acteurs du secteur agricole, 17 agriculteurs se sont finalement portés volontaires en 2017 pour créer la Société par Actions Simplifiées Sambre Agriculture Méthanisation Environnement » (SAS SAME) qui portera le projet.

Une initiative portée par la SAS SAME et la CAMVS

L’installation d’une unité de méthanisation peut être à l’initiative d’un groupement d’agriculteurs, d’une collectivité territoriale, d’un collectif de citoyens ou de stations d’épuration des eaux usées. Pour le cas de la CAMVS, le projet est issu d’un partenariat entre un collectif d’agriculteurs et la collectivité elle-même. Il a abouti à la création de la SAME qui compte au total 18 associés dont 17 agriculteurs et l’agglomération. « C’est la première fois en France qu’une agglomération collabore en tant qu’actionnaire d’une association d’agriculteurs. Nous sommes tous égaux en capital et en voix », fait savoir Luc Dessars, agriculteur et également président de la SAS SAME.

D'autres situations inédites ont ponctué la phase de lancement de cette unité de méthanisation. « Nous avons eu la chance d’avoir pleinement reçu le soutien de l’agglomération et des citoyens. Nous n'avons fait l'objet d'aucun rejet ». En effet, établir une telle installation sur un territoire suscite logiquement des interrogations du point de vue sanitaire et environnemental, sur les éventuelles émissions de nuisances sonores et olfactives sans compter l’impact sur le paysage et le trafic routier. La SAS SAME n’a pas rencontré de réelles difficultés sur ces sujets. « Nous n’avons pas eu de contestation car tout a été bien expliqué et mis en place », rassure notre interlocuteur. De quoi permettre au groupement de démarrer cet immense chantier sur les chapeaux de roues. Les travaux ont commencé en juin 2021 et dureront entre 12 à 14 mois selon les prévisions.

Un investissement d’avenir pour l’environnement et l’économie

Le projet d’unité de méthanisation est issu d’une longue co-construction avec l’agglomération, les agriculteurs, la ville de Feignies, la Région Hauts de France, les associations de protection de l’environnement ainsi que l’État par l’intermédiaire de la Chambre d’Agriculture. Il a pu être concrétisé grâce à des financements extérieurs d’un montant total de 12 millions d’euros. L’agglomération quant à elle a pris en charge les frais d’étude et de faisabilité. L’usine est implantée à Feignies sur la zone de La Marlière, au sud de l’axe routier RD 649. « Notre localisation géographique est avantageuse car nous n’avons quasiment pas de voisinage, ce qui a contribué à l’acceptabilité de cette initiative », explique le président de la SAS SAME. L’objectif de l’unité est de produire une quantité d’énergie équivalente à la consommation annuelle de gaz de 1200 foyers pour la production d’eau chaude et de chauffage. Son principe consiste à fabriquer du biogaz à partir d’une fermentation anaérobie (sans oxygène) de matières organiques dans des cuves chauffées à 40 °C en mésophile ou 50 °C en thermophile. Les éléments organiques utilisés dans le processus sont des déchets issus des activités agricoles, industrielles ou humaines. Il peut être question de déchets verts provenant de déchetteries, de lisiers, de fumiers, de cultures intermédiaires ou encore de boues de station d’épuration. Après un passage dans le méthaniseur, ils se transforment en deux matières énergétiques et organiques à savoir le biogaz et le digestat.

Le biogaz est essentiellement constitué de méthane et de dioxyde de carbone. À l’issue d’un processus de purification, il devient du biométhane. Le biogaz peut être utilisé dans la production électrique grâce à l’aide de générateurs tandis que le biométhane rejoint le réseau de distribution de gaz de la ville. Pour l’heure, l’unité de Feignies fabriquera principalement cette seconde source d’énergie avec un volume de production de 230 m3. La vente génèrera des profits car la SAS SAME reste avant tout une entreprise privée avec des objectifs de rentabilité.

Un autre mode de valorisation possible de biogaz est la création de carburant. Cette énergie renouvelable peut être transformée en Gaz Naturel pour Véhicules (GNV) à titre d’alternative aux énergies fossiles trop polluantes et de plus en plus coûteuses. « Les véhicules fonctionnant au GNV représentent l’avenir en dépit de l’engouement actuel pour les voitures 100 % électriques qui ne sont pas aussi “vertes” qu’il n’y paraît », témoigne Luc Dessars.

En méthanisation, la célèbre citation apocryphe d’Antoine Lavoisier qui dit « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » prend tout son sens. Le procédé qui permet d’obtenir le biogaz et le biométhane donne lieu à un sous-produit appelé digestat. Cette matière homogène et stabilisée existant sous forme liquide ou solide est riche d’éléments fertilisants qui en font un amendement de choix pour les cultures agricoles. Le digestat se montre très efficace dans l’amélioration de la respiration des sols et dans l’activité microbienne en comparaison avec un épandage traditionnel à base de lisiers ou de fumiers. Les bactéries méthanogènes dégradent totalement la matière organique, de quoi apporter aux champignons se développant dans la terre tous les éléments dont ils ont besoin. Le passage en cuve à haute température évite aux graines provenant des intrants de pousser et empêche la prolifération de germes pathogènes.

Quels sont les avantages de la méthanisation?

À l’heure où l’écologie constructive est au cœur de la nouvelle révolution industrielle, le biogaz tient un rôle majeur dans la préservation de l’environnement. « Ce projet à haute valeur environnementale va éviter l’émission de 3000 tonnes de CO2 », indique Luc Dessars.

En effet, la méthanisation contribue à mieux valoriser la matière organique et énergétique. Transformer les déchets en biogaz ou en digestat n’est que salutaire pour l’écologie. Ces produits constituent une alternative durable aux énergies fossiles pour faire rouler les véhicules, chauffer les bâtiments et produire l’électricité et aux engrais chimiques qui sont destructeurs pour l’homme et les sols et qui sont émetteurs d’une forte quantité de gaz à effet de serre.

La gestion des déchets est aussi optimale et plus économique. La méthanisation est en mesure de traiter toutes sortes de matières y compris huileuses et graisseuses.

Ces déchets n’ont plus besoin d’être mis en décharge ni d’être incinérés, ce qui entraîne une baisse du coût de leur traitement. L’intérêt économique est de ce fait bel et bien au rendez-vous.

Au-delà de tous ces aspects, la méthanisation profite surtout à la filière agricole. Dans un contexte d’agribashing, la méthanisation constitue une solution de valorisation des activités agraires au niveau économique et écologique. L’usage du digestat pour l’amendement des sols est un moyen de respecter la terre et le vivant et cela, à moindre coût en évitant le recours aux engrais industriels trop onéreux.

Quels sont les impacts de la méthanisation ?

De nombreux questionnements peuvent ressurgir sur les risques inhérents à l’installation d’une unité de méthanisation. Déjà, la production de biogaz et de digestat est encadrée par une règlementation particulièrement rigoureuse et exige le respect de normes strictes. Les risques potentiels d’explosion et d’incendie sont très faibles par rapport aux structures de stockage du pétrole et du gaz naturel.

Au niveau des odeurs, les nouvelles méthodes de fermentation n’émettent aucune nuisance olfactive. Le processus se déroule dans des cuves étanches et sans oxygène. Les sites sont équipés de filtres qui traitent les odeurs et les infrastructures de stockage sont sous une atmosphère en dépression. Même le digestat est inodore lorsqu’il est répandu dans les champs. D’ailleurs, les agriculteurs ont traditionnellement eu recours à une méthode similaire à la méthanisation pour réduire les odeurs des lisiers et fumiers lors de leur épandage.

Autre chose : grâce aux bâches équipant les camions, aucune odeur ne s’échappe. Les véhicules chargent et déchargent dans des hangars hermétiques et font l’objet d’un nettoyage régulier. Ils n’engendrent pas plus de trafic pour le transport des déchets organiques et la proximité de l’usine avec la RD 949 est idéale.

En termes de nuisances sonores, elles sont relativement minimes car l’unité de méthanisation est équipée de dispositifs insonorisés. Les normes règlementaires sont respectées lors de l’utilisation des engins et des matériels de manutention pour ne pas excéder les limites d’émissions sonores imposées.

Quant à la question esthétique, l’intégration paysagère est toujours prise en considération dans l’installation d’une unité de méthanisation pour qu’elle se fonde dans son environnement.